Accueil > Romans, récits > Ce matin , Flammarion, 2009 > Le regard d’Hélène (...Cixous)

Le regard d’Hélène (...Cixous)

vendredi 28 novembre 2008, par Sébastien Rongier

L’article, on l’a gardé longtemps dans les archives avant de l’ouvrir. En fait, des années. L’intuition de l’attente.

C’est une amie qui avait photocopié les feuillets de cet article « Savoir », paru en 1997 dans la revue Contre temps, repris dans Voiles avec Jacques Derrida, chez Galilée.

On a attendu longtemps pour le lire.

Pourquoi ?

Parce qu’on ne savait pas encore qu’on allait lire des lignes qui résonnerait du livre à venir.

Alors ces deux paragraphes pour tracer des échos :


Elle était née avec le voile dans l’oeil. Une très puissante myopie étendait entre elle et le monde ses magies affolantes. Elle était née avec le voile dans l’âme. Les lunettes sont de faibles fourchettes bonnes tout juste à attraper des petits bouts de réalité. Comme le sait le peuple des myopes, la myopie a son siège branlant dans le jugement. Elle fait régner une éternelle incertitude qu’aucune prothèse ne dissipe.
Désormais elle ne savait pas. Le Doute et elle furent toujours inséparables : les choses étaient-elles parties ou bien c’était elle qui les mévoyait ? Jamais elle ne vit en sûreté. Voir était un croire chancelant. Tout était peut-être. Vivre était en état d’alerte. En courant à toutes jambes vers sa mère elle se réservait la possibilité de l’erreur jusqu’à la dernière seconde. Et si sa mère n’était soudain pas sa mère à l’instant où elle atteignait son visage ?