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"Scatologie et transgressions contemporaines" pour Recherches en esthétique, n°18

jeudi 21 février 2013, par Sébastien Rongier




Ma première parution dans la revue annuelle de Dominique Berthet, c’était dans le numéro 8. Depuis, contribution régulière dans cette magnifique revue que Dominique porte seul à bout de bras depuis l’origine. Travail gigantesque et accueil toujours aussi généreux. Et le fait de ne plus avoir le moindre vernis universitaire n’est pas un soucis, la confiance est là.

A chaque numéro, son thème, son orientation générale, cette année "Transgression(s)", occasion pour moi revenir sur des questions esthétiques qui m’importent, la scatologie. Plus tard, un projet plus général à dessiner. Là reprendre la question à partir de deux faits esthétiques (et plus) : la destruction de l’œuvre de Serrano, Piss Christ, et la perturbation des représentations parisiennes de la pièce de Romeo Castellucci de Sur le concept du visage du fils de Dieu.

En attendant de vous procurer le volume, voici le début de ce texte :

Il y aurait une équation flottante qui voudrait qu’une œuvre doive être transgressive. Elle s’est même hissée en paradigme avec la modernité. Le regard d’Olympia est transgressif, là où celui de la Joconde est mystérieux. Le geste duchampien de Fontaine renverse les urinoirs et les normes artistes, comme beaucoup le dripping de Pollock ou les étranges cérémonies de Gina Pane. Ces formes de divergence avec la norme engagent la plupart du temps un positionnement critique. Un problème se dessine lorsque l’on passe d’une posture, d’un geste ou d’une expérience à une esthétique. Lorsque la transgression s’organise en code culturel et artistique, lorsqu’il se pense ou s’affirme comme esthétique, on risque fort d’affronter une impasse. Envisager un « code transgressif », c’est affirmer un mécanisme de réification et de neutralisation d’une dimension critique. Cette réduction est celle de la transgression comme mise en scène de l’art, et non plus comme scène de l’art (scène possible, scène utopique, scène fantasmée, ou scène expérimentale et fragile). Les formes artistiques contemporaine usent et abusent de différentes formes de provocations. L’obscène, la transgression sont devenus des paradigmes d’évaluation des pratiques contemporaines. Pour le meilleurs comme pour le pire, le pire étant celle de la posture articulée à une logique de marché. Pour l’illustrer en forçant un peu le trait, la transgression de Gina Pane, de Gérard Gasiorowski ou de Andres Serrano apparaissent en parfaite dissymétrie avec celle de Damien Hirst, de Maurizio Cattelan ou même Wim Delvoye [1]. Ces derniers sont les metteurs en scène contemporains de la transgression actant un nouveau paradigme : le passage d’une transgression comme acte de libération (toujours fragile, souvent aporétique) à une transgression comme commerce et spectacle des signes (non pas comme scène du regard mais comme mise en scène du spectaculaire comme équation autotélique et autoréalisatrice… celle du marché). Mais c’est ailleurs que la discussion se dirige.



(to be continued)



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[1Malgré des pièces passionnantes, l’artiste peut aussi être neutralisé par l’industrie quand il la fréquente de trop près. Voir Sébastien Rongier « Le rire scatologique est-il soluble dans la publicité ? (Sur Wim Delvoye) », Humoresques, numéro 22, « Rires scatologiques », juin 2005